Littérature :
'Les paysages intérieurs' d'Anne-Cécile Makosso-Akendengué, écriture de femme, femme d'écriture...[par F.CARNAVAN]
Pardonnez-moi si je vous
dis que j'ai souvent trouvé qu'il y avait une écriture féminine et
une écriture masculine. Ce n'est sans doute pas politiquement
correcte de dire cela mais c'est ce que je ressens. C'est
profondément subjectif. Certains romans écrits par une femme
tombent sous le sens pour moi. Je me dis 'jamais un homme n'aurait pu
écrire de cette façon'. Il plane sur les œuvres des écrivaines
-c'est le mot- une sorte de troublante légèreté qui m'a toujours
fasciné. Non, pas la légèreté superficielle, plutôt une forme de
détachement troublant qui donne un côté aigre-doux aux histoires.
Les moments les plus graves, par exemple, les plus durs, les plus
violents, sont comme apaisés par une forme de distance, de
détachement, que je n'ai pas souvent constatés dans les œuvres
écrites par les hommes.
La lecture des 'Paysages
intérieurs' d'Anne-Cécile Makosso-Akendengué, recueil de nouvelles
offert par un ami, voisin, n'a fait que confirmer mon ressenti. Ce
sont quinze nouvelles magnifiques sur la notion de résilience.
Comment fait-on quand on est au bout du rouleau, comment fait-on pour
accepter les aspects monotones, crus, durs de la réalité ?
Comment fait-on pour digérer un passé qui passe mal ou carrément
s'inventer un passé ? Pourquoi le fait-on ?
Je ne compte plus le
nombre de fois où je me suis arrêté, pensif, au milieu d'une
nouvelle et j'ai réfléchi sur ma propre vie, ma famille, mes amis,
mes amours, mes ratages, mes réussites. Sur le passé. Je n'ai pas
souffert non plus pour les protagonistes, ni pour moi d'ailleurs.
Parce qu'encore une fois il y a ce détachement, cette légèreté
ambiante, trompeuse évidemment, mais qui fait son effet. Il y a un
style Anne-Cécile Makosso-Akendengué, incontestablement, depuis son
premier roman, décalé, 'Mathilde et son pianiste', en passant par
son récit autobiographique sur ses années de femme française au
Gabon, 'Ceci n'est pas l'Afrique'.
Voilà une écrivaine
que vous aurez peu de chances de voir s'exprimer dans la Grande
Librairie sur France 5. Bon, elle réside à Angers, dans l'ouest de
la France, ne vit pas dans le Paris incontournable de la 'Culture'.
Vous aurez peu de chances d'en entendre parler dans le Magazine
Littéraire, Télérama ou encore Le Nouvel Obs. Elle n'est pas la
seule dans ce cas, vous me direz, mais enfin, on peut le déplorer.
Car elle publie régulièrement et a un public. Elle prouve avec sa
nouvelle œuvre qu'elle est capable de passer du format roman au
format nouvelles sans perdre son style, mélange de gravité, de
nostalgie et d'humour aussi : la nouvelle 'Journal des poissons
rouges' est une merveille du genre, je ne vous en dis pas plus !
La force de ce recueil est de présenter une variété de situations,
parfois incongrues (la femme qui n'a arrive pas à dormir et
réfléchit en pleine nuit, sur comment agencer une future maison
alors qu'elle n'a pas du tout l'instinct propriétaire) parfois
émouvantes (un dialogue mère-fille qui cache des non-dits).
Humour, émotion,
nouvelles d'une femme qui écrit : d'une femme qui vit. D'une
femme qui écrit sur la Vie. Sur nos Vies. A lire, relire, offrir,
sans modération. Une belle façon de débuter l'année 2015.
F.Carnavan.
(je remercie ce blog
d'héberger mon point de vue - photographies publiées avec l'aimable autorisation de J.H)
Biographie
de l'auteur : Anne-Cécile
Makosso-Akendengué est née à Longué dans le Maine-et-Loire. Elle
est déjà l'auteur d'un roman intitulé Mathilde et son pianiste
publié sous le nom de Frébeau, aux Editions Les 2encres ainsi que
d'un livre de souvenirs, Ceci n'est pas l'Afrique aux Editions
L'Harmattan. Elle est actuellement disquaire et a enseigné plusieurs
années la philosophie au Gabon.
Paysages Intérieurs.
Broché, 134 pages, EDILIVRE, paru le 5 septembre 2014/ Collection Classique.
Points
de vente :
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Extrait
'Paysages
intérieurs'
Anne-Cécile
Makosso-Akendengué
Ed.Edilivre
2014
C’est
mon travail, actuellement, de téléphoner a
des
inconnus, pour les convaincre du malheur des
autres.
Les interlocuteurs, dont je ne vois pas plus le
visage
qu’ils ne voient le mien, changent ; pas ce que
je
dois leur dire, et surtout pas la manière dont je dois
leur
parler. Formation oblige. Je dois être polie,
aimable,
voire enjouée, tout ce que je n’ai pas envie
d’être.
En plus, je leur pose des questions dont la
réponse
m’indiffère profondément, en vraie
professionnelle.
On
m’invente régulièrement des noms. Pas
Dupont
ni Durand, mais ça pourrait, ça y ressemble
parfois.
Pas franchement terroir, cependant aux
sonorités
bien de chez nous, dit-on. Moi aussi, je suis
bien
de chez nous, mais c’est quoi ≪ chez nous ≫ ?
Mon
nom a une consonance assez exotique. Ma
couleur
aussi, quoique…Il est arrive une fois qu’on
me
demande si je ne revenais pas des sports d’hiver,
pour
être bien bronzée comme ça ! Heureusement
que
celle qui posait cette question le faisait sans
méchanceté,
ça sautait aux yeux, sinon j’aurais pu
m’énerver.
J’aurais dû ?
On
ne me voit pas dans ce boulot, mais si quelque
chose
transpirait de mon étrangeté ?
Pour bien débuter
l'année 2015 toujours en lectures, par des femmes de talent, sur les
suggestions des uns et des autres :
Marie Laberge, 'Revenir
de loin' (Editions Martha)
Anne Sylvestre,
'Coquelicot et autres mots que j'aime' (Points)
Véronique Pestel,
'Cahier d'Apprendre' (La Guilde des Créateurs du Monde)